Chapitre 25

Write by Josephine54

Deux ans plus tard


Beverly


- Ça va, bébé, demanda Arthur à l'autre bout de la ligne.

- Je vais bien chéri et toi ?

- Ça va. Tu comptes arriver demain à quelle heure ? demanda Arthur.

- 9 h, je pense.

Nous étions censés étudier ensemble demain. Nous étions en année licence et les examens de fin d’année se rapprochaient à grand pas. Nous ne pensions pas pouvoir tout valider en cette session de juin, car nous avions un peu de retard par rapport à certains cours. Nous finirons les examens certainement durant la session de rattrapage.

- Et ton rendez-vous avec Amanda ?

- Tout à l'heure, bébé. Je devrais la retrouver dans trente minutes. J'étais d'ailleurs sur le point de sortir de la maison.

- Je vois, on se parle plus tard alors. Passe une belle soirée.

- Merci, chérie, toi aussi.

J'avais prévu retrouver Amanda dans un local au centre-ville. Amanda et moi nous voyions désormais très peu. Elle avait en effet arrêté avec la fac dès la fin de la première année et j'avoue que ses raisons n’étaient pas totalement fausses.

- À quoi nous servira ce diplôme plus tard ? avait demandé Amanda. On ne sera jamais recruté nulle part. C'est une simple perte de temps.

J'avoue que maintenant, presque arrivée au terme de ce cursus scolaire, je me demandais plus que jamais si cela en valait vraiment la peine. Ce pays regorgeait de licenciés, et même de docteurs, sans emplois. Que valait donc une simple licence ? J'avais décidé d'aller jusqu'au bout, car c'était cela ou rester de toute façon à la maison à ne rien faire, ou pire, à me disputer avec maman et Virginie.

Je sortis lentement de mes pensées et me saisis de mon sac. Je sortis et lançai un simple " J'arrive" avant de poursuivre vers la porte.

J'empruntai un taxi et me rendis au snack-bar où j'avais rendez-vous avec Amanda. Bien évidemment, elle n'était pas encore arrivée. Nous étions censées nous retrouver à 18 heures, mais il était déjà 19 h. Excédée, je pris mon téléphone et décidai de l'appeler.

J'étais sur le point de lancer l'appel quand je la vis descendre d'un taxi. Amanda traversa la route et entra dans le bar, l'allure d'une star de cinéma. Chaque fois que je la voyais, je craignais toujours qu'elle ne finisse par devenir transparente, tellement sa peau devenait de plus en plus blanche. Amanda utilisait à outrance des crèmes éclaircissantes, pour être plus attirante. Selon elle, les hommes préféraient les femmes à la peau claire.

- Hello, ma belle, désolée du retard, lança Amanda en arrivant à ma hauteur.

- T'es pas fatiguée de t'excuser ? demandai-je d'une voix partiellement irritée.

- Ne fais pas la rabat-joie, je t'en prie, nous sommes là pour nous amuser. As-tu déjà commandé ? demanda Amanda en s'installant.

- Oui, une bouteille de Djino (boisson fruitée) en t'attendant.

Amanda fit ensuite signe au serveur.

- Quelles bouteilles de vin avez-vous ? demanda-t-elle avec un air de grande dame.

Le serveur lui apporta la liste des vins, et Amanda en choisit un. Le prix me donna immédiatement des maux de tête.

- Hum, ma copine, tu n'es pas n'importe qui hein, lançai-je d'une voix rieuse.

- Haha, continue à te sous-estimer. Tu as énormément de potentiel, mais c'est toi qui préfères te contenter d'un mec qui a de la peine à joindre les deux bouts. Il est certes mignon, mais moi, c'est du cash d'abord, le reste vient après. Qu'il soit beau, frais, élégant, sexy, tout cela, c'est après hé, s'exclama Amanda en riant.

- Haha, tu aimes trop l'argent, rigolai-je.


Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)


- "C'est pas avec amour qu'on achète vêtements", se mit à chantonner la chanson ivoirienne de Jungeli.

- Laisse-moi en paix.

Nous avions ri un long moment avant de changer de sujet.

- Alors, qu'est-ce que tu deviens ma belle, demanda Amanda. La licence devrait être pour bientôt. Te sens-tu prête ?

- Je ne sais pas, ce n'est pas facile. Je pense tout boucler à la session de rattrapage, répondis-je.

- Je vois, et après ? Que comptes-tu faire ?

Question à plusieurs millions de dollars. Que comptais-je faire ? Je n'en savais strictement rien.

- Je ne sais pas, ma belle, pour le moment, je suis concentrée à valider la licence. On verra plus tard pour le reste.

- Et Arthur, ça se passe bien ?

- Oui, ça va. Nous avons nos hauts et bas comme tous les couples, mais je ne me plains pas.

Une lueur étrange traversa le regard d'Amanda à ma réponse.

- Et lui, que compte-t-il faire après la fac ?

La question d'Amanda me plongea dans un abysse sans fin. C'était un sujet épineux et je ne pouvais m'empêcher de sentir la peur me gagner.

Arthur était censé rejoindre son frère aîné en France après la licence. Il m'avait promis de mettre tout en œuvre pour que je le rejoigne le plus tôt possible. Qu'il ne voulait en aucun cas renoncer à moi, à notre amour.

Mais, je ne pouvais empêcher mon esprit d'être assailli par des doutes. Il rejoindra son frère pour poursuivre ses études. Avec un statut d'étudiant, comme était-il possible que je puisse le rejoindre ? Et surtout, avec quels moyens ?

J'avais vu des gens vivre en Europe pendant des dizaines d'années sans jamais retourner au Cameroun. On racontait qu'ils étaient sans documents et ne pouvaient pas effectuer le voyage. Certains avaient laissé femme et enfants derrière eux. Ces derniers grandissaient sans l'affection d'un des parents.

Qu'en serait-il de ma relation avec Arthur ? Était-elle assez forte pour résister à la distance ? Et si Arthur rencontrait quelqu'un d'autre et qu'il en tombait amoureux ? Et si je passais tout ce temps à l'attendre pour être déçue en fin de compte ? Le temps passait tellement vite, surtout pour nous les femmes. Autant de questions qui me tourmentaient et m'empêchaient parfois de vivre pleinement ma relation avec Arthur.

Arthur de son côté, était sûr de lui. Il me répétait sans cesse que rien ni personne ne pourrait jamais me remplacer dans son cœur. Qu'il ne craignait pas la distance. Que notre amour était plus fort que tout.

- Beverly, me secoua gentiment Amanda. Tu étais tout à coup perdue dans tes pensées. Que se passe-t-il ?

- Euh... en fait, je suis tellement confuse.

- Pourquoi donc ? Il me semblait que tout se passait bien entre vous.

- Oui, ce n'est pas cela le problème. En fait, Arthur...

Je lui expliquai les raisons de ma préoccupation. Le fait qu'Arthur irait dans un pays lointain après l'obtention de sa licence.

- C'est vrai ça ? demanda Amanda.

- Oui, répondis-je. Je suis un peu inquiète pour nous.

- Et tu as bien raison, s'exclama Amanda. Je crois que je t'ai déjà parlé de la fille d'une amie de ma mère que son gars de l'Allemagne a largué, non ? Un vrai sorcier. Il a carrément perdu près de dix ans à la pauvre fille.

Mon cœur se mit à battre à ces mots.

- Ils se connaissaient depuis le lycée. Le gars est parti en Allemagne en lui promettant monts et merveilles. Il est venu plusieurs fois la voir, tout ça pour saccager le pistache (expression vulgaire pour dire coucher avec elle en jargon camerounais) et la pauvre est restée toutes ces années à l'attendre sagement. Elle a appris par hasard que le gars était marié à une allemande. Quand elle a voulu le confronter, le gars a nié, mais vu qu'elle avait les preuves, il a fini par avouer. Il lui a raconté qu'il s'était retrouvé sans papiers et qu'il avait été obligé de se marier pour ne pas être rapatrié. La pauvre aujourd'hui a 39 ans, sans mari, sans enfants, tout ça parce qu'un sorcier lui a promis le rêve.

Je me sentis tout à coup frileuse. Amanda me regarda un bref moment dans les yeux.

- Aka, je te raconte même encore tout ça pourquoi ? Je t'en avais déjà parlé non ?

Je hochai simplement la tête, la gorge tout à coup nouée par une forte anxiété.

- Hum, en tout cas, chaque relation est unique. Peut-être que le tien peut partir et effectivement revenir te chercher, sait-on jamais.

Je restai silencieuse. Que dire ? Nul n'avait de sphère magique pour prédire l'avenir, et je devais admettre que le discours d'Amanda avait tout son sens.


Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)


Amanda porta son verre à ses lèvres sans toutefois me lâcher du regard.

- Tu m'as toujours traitée de matérialiste, mais moi, je suis tout simplement réaliste. Je vais te prodiguer un conseil et tu n'es obligée de l'appliquer. Si Arthur devait vraiment s'en aller, je te conseillerais de te chercher un mec ici au Cameroun, tout en entretenant Arthur à distance. De toute façon, il ne saura jamais rien. Si jamais Arthur te revient et que tu l'aimes encore, alors là, tu t'engages définitivement avec lui. S'il ne revient pas, tu n'as rien perdu du tout, tu continues simplement avec ton dossier que tu as sur place.

Je préférai ne pas répondre et décidai de changer tout à coup de sujet.

- Comment va ta maman ?

Amanda sembla décontenancée par ma phrase, mais se ressaisit rapidement.

- Elle va très bien, merci, les petits bobos de la vieillesse. Et la tienne ? Ça s'est amélioré entre vous ?

Je lui avais raconté mes déboires à la maison sans lui raconter du passé d'Arthur. Je lui avais simplement dit que maman me menait la vie dure parce que je ne lui avais pas ramené d'homme riche, contrairement à ma sœur, bien que "son homme" soit marié. La réponse d'Amanda avait été : " C'est normal, t'es trop naïve "

- Pas du tout, mais bon, je suis déjà habituée, dis-je, répondant à sa question.

- Tu sais, dans les familles...

Amanda dut interrompre sa phrase, car quelqu'un se rapprochait de notre table.

- Mais c'est bien elle, lança une voix inconnue de moi.

Certainement un courtisan d'Amanda, pensai-je.

- Beverly, entendis-je quand la personne arriva à notre hauteur.

Je levai un regard stupéfait et mon regard croisa des yeux qui me semblaient familiers. Je fronçai les sourcils, cherchant dans les recoins de ma mémoire où je l'avais déjà vu.

- C'est bien toi. Je vous ai remarqué dès que je suis entré. J'avais des doutes et j'ai préféré m'en assurer. C'est Benjamin, ne te souviens-tu pas de moi ?

Mon Dieu, Benjamin, le client du bar. Cela faisait près de deux ans que je ne l'avais plus revu. Un sentiment de honte m'envahit soudainement.

Il était revenu à plusieurs reprises au bar pour me chercher, et je l'avais rabroué de la pire des manières. Après la scène avec Arthur, j'avais décidé de mettre poliment les choses au clair avec lui, mais il n'avait pas semblé comprendre le message. J'avais donc décidé de monter d'un cran.

" Écoute-moi bien, tu ne m’intéresses pas. Je ne veux pas de toi, c'est bien clair. Ton argent et toi, tu peux te le foutre là où je pense. Laisse-moi en paix et casse-toi." Il avait essayé de répliquer et j'en avais rajouté. Il s'était simplement levé et était sorti du bar. Il n'était plus jamais revenu jusqu'à ce jour, vu que j'y travaillais encore.

- Beverly, me bouscula discrètement Amanda.

- Euh... bonsoir Benjamin, dis-je d'une voix embarrassée.

- Bonsoir Beverly, répondit ce dernier avec un large sourire.

- Et moi, je suis Amanda, se présenta mon amie.

- Enchantée Amanda.

- Moi de même. Êtes-vous tout seul ? demanda Amanda en le détaillant.

- Oui. En fait, j'étais juste entré pour acheter une bouteille d'eau quand je vous ai vus.

- D'accord, mais si vous n'êtes pas pressé, vous pouvez vous joindre à nous.

Je fixai Amanda et cette dernière me fit un petit sourire innocent.

- Volontiers, répondit précipitamment Benjamin en prenant place.

Il tourna immédiatement le regard vers moi et me fit un large sourire.

- Ah Beverly, ça fait vraiment un bail. Qu'est-ce que tu deviens ma belle ?

Manipulation sentime...