
Chapitre 3
Write by Josephine54
Hélène Mbida
J'étais assise au salon et manipulait mon téléphone que m'avait offert mon beau-fils chéri. Ce garçon était un homme, un vrai. Quand je repensais à ce braqueur que Beverly avait voulu nous ramener, j'en avais encore des céphalées. Ha, la jeunesse ! Heureusement qu'elle s'était très vite ressaisie, sinon, je l'aurais traînée par les cheveux pour qu'elle épouse Benjamin. Où pensait-elle trouver un autre homme comme lui ?
J'avais déjà eu à menacer le braqueur de quitter ma fille, mais rien n'avait changé. Ma fille rentrait toujours très tard le soir, signe qu'elle était encore en couple avec lui.
Comment avais-je fait pour obtenir son numéro ? Beverly, certains soirs, pour ne pas être dérangée par ses petits frères, leur donnait parfois son téléphone pour leur permettre de jouer.
Je m'étais alors rapprochée de Kylian qui avait à ce moment-là le téléphone de sa sœur en main.
- S'il te plait, Kyky, pourrais-tu me passer le téléphone de Beverly ? Je voudrais envoyer un message.
J'étais donc rapidement entrée dans le répertoire de Beverly et avais vu un numéro enregistré "mon cœur". J'avais eu envie de vomir juste à lire ce nom. J'étais ensuite rentrée dans l'application de messagerie et avais regardé les messages pour m'assurer qu'il s'agissait bel et bien du truand, et les messages qu'ils échangeaient m'en avais donné la confirmation. La photo de profil m'avait ôté tout doute.
J'avais donc appelé le délinquant pour le menacer et en bonne chiffe molle qu'il était, il n'avait même pas osé me répondre.
Quelques jours plus tard, j'avais été surprise de recevoir un coup de fil d'Amanda.
- Maman Hélène, bonjour, m'avait saluée Amanda.
- Bonjour, ma fille, ça va ?
- Hum, maman, je ne sais pas si je dois t'en parler, mais c'est grave.
- Que se passe-t-il, ma fille ?
- Maman, Beverly compte quitter le Cameroun demain.
- Quoi ? avais-je crié.
- Oui, maman. Elle était ici il y a peu pour un adieu.
- Mais, comment est-ce possible ? avais-je repliqué, choquée.
- Maman, elle s'enfuit avec son copain. Ils ont décidé d'aller s'installer au Gabon pour tout recommencer à zéro.
- Oulili oh, l'enfant-là va tout me montrer, m'étais-je écriée. Je suis dépassée, ma fille. Elle a un charmant jeune-homme ici qui lui court après depuis des mois, ma fille préfère le laisser pour s'enfuir avec un braqueur, tu as déjà entendu ça où ?
- Braqueur pourquoi maman ? avait demandé Amanda. Tu n'exagères pas un peu ?
- Pas du tout. Elle ne t'a rien dit ? Mais, c'est normal. Elle doit en avoir honte. Ce gars, c'est un bandit. Il braquait les gens à Douala avant de venir s'installer à Yaoundé.
- Mon Dieu, s'était écriée Amanda d'une voix scandalisée.
- Oui. Et elle préfère laisser un homme comme Benjamin pour s'enfuir avec un bandit.
- Tu connais Benjamin maman ?
- Oui. Il est ici tout le temps pour la chercher. Ton amie joue à la princesse des bidonvilles.
- Haha, maman, que peut-on faire pour l'empêcher de commettre la plus grosse bêtise de toute sa vie ?
- Ma fille, je n'ai pas l'intention de la laisser faire. Je vais immédiatement appeler Benjamin. On doit trouver une solution.
- Oui, il le faut. C'est inadmissible qu'elle laisse Benjamin pour un va-nu-pieds comme ce Arthur, s'était exclamée Amanda avec fougue.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
J'avais raccroché en me demandant si Amanda n'était pas par hasard ma vraie fille. Une idiote comme Beverly n'avait pu naître de moi. J'avais immédiatement appelé Benjamin après avoir mis fin au coup de fil avec Amanda, l'heure était grave.
- Mon fils, j'ai besoin de te voir.
- D'accord maman. Je vais m'organiser pour passer demain, m'avait-il répondu.
- Non, mon fils, c'est urgent. Il faut que je te rencontre aujourd'hui même.
Je ne voulais pas lui expliquer par téléphone. Je voulais le voir en face et jauger l'effet de cette nouvelle sur lui. Il me fallait à tout prix le convaincre de ne pas abandonner.
Benjamin avait donc rappliqué. Il sembla déçu après que je lui ai fait part des projets de Beverly.
- C'est décourageant tout ça, lâcha-t-il d'une voix lasse.
- Non, mon fils, que dis-tu ? Tu savais bien qu'elle était en couple en venant vers elle. Cela ne t'a pas empêché de t'impliquer. Tu as toujours eu tout mon soutien. Mon fils, nous les femmes, sommes parfois des êtres indécis. Je t'avais promis de tout faire pour que votre mariage soit célébré avant la fin de l’année, et je tiendrais parole.
Je lui avais alors émis l'idée de monter un plan avec le soutien d'Amanda. La fougue avait laquelle elle s'était indignée tout à l'heure me faisait croire qu'elle accepterait volontiers de participer.
Nous avions donc mis sur pied cette histoire de grossesse avec saignement.
- Ça tombe bien maman, un de mes amis possède une clinique privée. Il acceptera de jouer le jeu. Je lui avais ensuite passé le numéro d'Amanda pour qu'ils puissent se synchroniser sur tout.
La suite, vous la connaissez. Beverly était arrivée ici à 19 h et avait trouvé Benjamin accompagné de deux messieurs qu'il avait soudoyés pour faire passer pour ses oncles, vu l'urgence de la situation et sa famille se trouvant à l'Ouest du pays. Heureusement, ma fille m'avait prouvé qu'elle était moins bête que je le pensais. Elle avait accepté la demande en mariage de Benjamin, avec beaucoup d'hésitation dans la voix, mais elle avait accepté.
Quand benjamin s'était agenouillé et avait commencé son discours, je m’étais cachée dans un angle et avait pris quelques photos et vidéos. Quand ils avaient échangé ce bref baiser, j'avais bien évidemment, capturé l'instant. Je n'avais pas non plus oublié quand Beverly s'était assise près de Benjamin, juste après avoir accepté sa demande, et que dernier l'avait serrée fort contre lui.
Je m’étais ensuite rendue dans ma chambre et avait envoyé toutes les photos et vidéos au brigand.
"Inutile de l'attendre. Elle ne viendra pas. Elle est dans les bras de son futur mari. Un homme qui la mérite, pas un bandit de grand chemin comme toi", avais-je ajouté.
Le message avait été immédiatement lu. Quand j'étais retourné au salon, le téléphone de Beverly avait sonné plus que jamais.
Beverly
Un mois était passé depuis la fameuse réunion avec le boss. Nous étions désormais tous sur la braise. Nous nous regardions tous à l'entreprise avec suspicion, chacun se demandant si l'autre avait reçu le fameux e-mail.
L'heure pour monsieur Domou de se retirer approchait à grands pas. Il était désormais rare au boulot. Il était évident qu'il n'avait plus envie de travailler. La fatigue se faisait certainement ressentir.
Je rentrai dans mon bureau et avant même de poser mon sac, j'allumai mon ordinateur. Et comme c'était désormais le cas depuis un mois, je commençai par ouvrir mon e-mail.
Mon cœur fit un bond dans ma poitrine quand je vis la phrase : " proposition d'embauche" en entête d'un e-mail.
Je l'ouvris fébrilement et mon cœur fit un bond en lisant son contenu.
" Bonjour madame Beverly Kamdem, Nous avons le plaisir de vous informer que nous souhaitons vous maintenir au poste de secrétaire au sein de l'entreprise ETS Domou. Après l’évaluation de votre candidature et de vos compétences, nous sommes convaincus que votre profil correspond parfaitement à nos besoins. Nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir votre réponse dans un délai de 48 heures, soit avant le 15 janvier."
Je m'assis immédiatement et cliquai sur le bouton " répondre" et envoyai immédiatement ma réponse.
" Bonjour, je tiens à vous remercier pour la confiance que vous m’accordez en me maintenant à mon poste au sein des ETS Domou. Après réflexion, j’ai le plaisir de vous informer que j’accepte votre offre avec enthousiasme."
J'eus envie d'éclater de rire à mon " après réflexion". Je n'avais même pas mis une minute à leur répondre.
Je sentis un poids s'alléger de ma poitrine quand je vis à l'écran "message envoyé". C'était d'abord une énorme satisfaction pour moi du point de vue professionnel, car cela prouvait que mon travail était apprécié. En plus, cela m'évitait de parcourir la ville avec un CV en main.
À midi, j'entendis toquer à ma porte. Je vis Éveline apparaitre à l'entrebaillement. Elle me fixa longuement sans parler.
- Ça va ? demandai-je.
- Oui, je vais bien et toi ?
- Ça va.
Elle répondit sans me lâcher du regard.
- As-tu besoin de quelque chose ? demandai-je finalement.
- Euh... euh... en fait, je pensais que nous pouvions déjeuner ensemble, lança-t-elle.
- D'accord, répondis-je d'un air gauche, ne sachant expliquer ce malaise subit entre nous.
On sortit de l'entreprise et on alla au resto où nous avions nos habitudes. On passa rapidement la commande et un blanc s'installa immédiatement dès que le serveur eut tourné le dos.
- Euh... tu as aussi reçu l'e-mail, c'est ça ? lâchai-je.
- Oui, et toi ? répondit Éveline en poussant un ouf de soulagement.
- Oui, moi aussi, lui répondis-je avec un large sourire aux lèvres.
- Dieu merci, s'écria Éveline.
On se mit à papoter gaiement durant le repas, le cœur léger désormais. Après cette fameuse journée, l'ambiance dans l'entreprise n'était plus la même. Il était facile de deviner qui avait reçu l'e-mail et qui ne l'avait pas reçu. Une certaine tension régnait entre des collègues qui, il y a encore quelques jours, étaient les meilleurs amis.
Une semaine après le premier e-mail, j’en reçus un deuxième m’informant qu’une réunion était prévue le 1er mars, soit le lendemain du départ à la retraite de monsieur Domou.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
Le dernier mois du boss s'écoula rapidement. Certains collègues ne venaient carrément plus au travail. Aujourd'hui était le dernier jour de monsieur Domou au sein de cette entreprise. Il avait organisé un pot de départ. Sa famille était même présente. Il avait fait un discours d'adieu émouvant.
- Aujourd’hui est un jour particulier, et il est difficile de trouver les mots justes pour exprimer tout ce que je ressens en vous adressant ce discours d’adieu. Après tant d’années passées à la tête de cette entreprise, l'heure est venue pour moi de passer le relais et de profiter d’une nouvelle aventure qu’est la retraite. Je veux sincèrement vous remercier pour votre travail, votre loyauté et surtout, pour la passion que vous avez toujours montrée envers notre projet commun. J’ai toujours cru en vous, et je suis convaincu que l’entreprise continuera à prospérer grâce à votre énergie et à vos compétences. Je vous adresse un immense merci et vous souhaite à tous le meilleur, tant sur le plan professionnel que personnel.
Il s'arrêta un bref moment pour prendre son souffle et repris son discours, cette fois avec une émotion évidente dans la voix.
- Il me semble étrange de quitter cet endroit, de ne plus franchir ce seuil chaque matin, après tant d’années passées ici, continua-t-il d'une voix émue. Levons nos verres à l’avenir, à notre parcours commun et à vos succès à venir ! Merci à tous, conclut-il.
Une salve applaudissement s'éleva dans les airs. On trinqua en mangeant ce qui avait été prévu à cet effet.
Monsieur Domou se rendit après à son bureau, aidé de sa famille, il emporta le peu d'effets qui restait. Il avait déjà tout emporté les jours précédents.
- Madame Kamdem, cela a été un réel plaisir pour moi de travailler à vos côtés. Vous êtes compétente et très professionnelle. Continuez ainsi.
Il s'en alla enfin sur ces paroles d'encouragement. Je le regardai, avec désarroi, franchir le seuil de son bureau. Une vague de nolstalgie et d'inquietude me gagna à cet instant. Je savais très bien ce que je laissais, mais je ne savais pas ce que je trouvais. J'espérais que mon nouvel employeur serait aussi compréhensif que monsieur Domou.
Le lendemain matin, j’arrivai au travail à 7 h 30. La réunion avec nos nouveaux employeurs était prévue à 9 h. J'avais le temps de tout préparer dans la salle de conférence et me préparer mentalement à ce qui m'attendait.
Il était maintenant 8 h 50. Nous étions tous installés dans la salle de conférence. Nous étions à peine une vingtaine, au lieu de la quarantaine que nous étions avec monsieur Domou.
Le successeur de monsieur Domou devait certainement être une personne rigoureuse pour n'avoir retenu que la moitié du personnel. Je n'ai pas été particulièrement surprise de ne pas voir certains collègues. Ceux-ci passaient leurs journées à traîner et étaient très peu productifs. Si monsieur Domou n’avait pas eu un certain âge, je pense qu’il les aurait renvoyés depuis bien longtemps. En revanche, j’ai été étonnée de ne pas voir d'autres collègues, qui pour moi, étaient très performants. Va savoir pourquoi ils n'ont pas été retenus.
J'étais en train de causer avec Éveline quand un silence de plomb s'abattit dans la salle. Je me tournai et vis un homme d'une quarantaine d'années faire son entrée dans la salle.
Il traversa la salle et occupa le siège qu'avait occupé monsieur Domou il y a à peine quelques jours.
- Bonjour à tous, je suis monsieur Rodolphe Akono. Si vous êtes ici aujourd’hui, c’est parce que vous avez tous reçu notre proposition d’embauche. Si vous avez été retenus, c’est avant tout parce que je pense que vous possédez toutes les compétences nécessaires pour occuper vos postes respectifs. Je vais maintenant vous demander de vous présenter.
Chacun se leva et prononça un bref discours dans lequel il se présenta et mit en avant ses compétences professionnelles.
- Merci à tous. Je n’ai pas pu retenir tous les détails, mais nous aurons l’occasion de mieux nous connaître dans les jours à venir. Madame Kamdem, pourriez-vous distribuer cette ébauche de contrat à tout le monde ?
Je m'exécutai et me rassis à ma place, mon contrat de travail en main.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
- Je vais vous donner deux jours pour le parcourir et y apposer votre signature à la fin du document en signe d’accord. Cependant, permettez-moi de vous citer le point le plus important : nous vous demandons une exclusivité de cinq ans. Durant ces cinq prochaines années, vous ne pourrez pas démissionner. Le contrat ne pourra être rompu par aucune des deux parties, sauf en cas de faute grave. Avec ce nouveau départ, nous avons besoin de pouvoir compter sur vous. Vous qui travaillez sans relâche depuis plusieurs années, vous qui avez l'expérience nécessaire pour assurer vos fonctions au mieux. Vous serez récompensés, bien entendu, à la hauteur de vos efforts. De petites primes de compétence seront attribuées de temps en temps. Cette clause vous garantira un salaire conséquent pendant ces cinq années. Dès la sixième année, vous serez libres de partir.
Au lieu de me sentir coincée, je reçus cette clause avec soulagement. Elle me garantissait un emploi pendant cinq ans. J'avais le temps de décider après si j'avais vraiment envie d'y rester. Le nouveau boss avait l'air de quelqu'un de simple, mais sait-on jamais, je n'avais pas envie de me retrouver à coutoyer un fou furieux chaque jour.
Monsieur Akono annonça que la séance était levée. Je rejoignis immédiatement mon bureau. Je me mis à lire attentivement mon contrat. Mon salaire avait été carrément augmenté d'une cinquantaine de mille. J'avais tout à coup envie de me lever et de danser.
J'apposai finalement avec satisfaction ma signature à la dernière page.